mardi 6 février 2018

8 ans plus tard

D'abord, je suis désolé pour tous ceux qui m'ont écrit depuis 2012. Je n'ai pas consulté mon blogue ou regardé mes courriels à cette adresse depuis au moins 5 ans. Désolé si je n'ai pas répondu. Voilà déjà 8 ans que j’ai commencé la testostérone. Je me souviens encore comment j’ai attendu ce moment. Comment chaque journée d’attente, chaque refus, chaque déception ne faisait qu’augmenter ma détermination à avoir cette foutue prescription. Je ne pouvais pas encore dire comment, mais je savais que la testostérone allait changer ma vie. Chaque seconde de libre que j’avais dans mon horaire d’étudiant était consacrée à regarder des timeline de transition sur Internet, à écouter des voix modifiées par la testostérone après 1 mois, 2 mois, 3 mois, 6 mois, 1 an… Quand je me suis inscrit sur un forum, il y avait un gars qui était hormoné depuis 3 ou 4 ans, je ne sais plus. J’avais tellement hâte d’être rendu à la même place. Je me suis souvent demandé comment j’allais voir la vie après plusieurs années de testostérone, comme lui… Je me rappelle encore de ma première injection, en plein milieu de l’effervescence des jeux de Vancouver. J’avais reçu ma prescription à Montréal le mercredi, et la première chose que j’ai faite en arrivant chez moi le jeudi a été de me rendre à la pharmacie, puis de faire mon injection juste avant de me rendre à mon cours de biologie au cégep. Je me souviens avoir eu de la difficulté à aspirer l’épais liquide, l’appréhension au moment de me piquer pour la première fois… Un geste qui 8 ans plus tard me paraît si banal, si anodin. Je n’oublierai jamais cette journée. Je pense que je vais me souvenir toute ma vie que ce jour-là, dans mon cours de biologie, nous avons fait une expérience sur le clonage des violettes africaines. Dès la première journée, j’étais à l’affut de tous les mini changements. J’avais mal à la gorge, ça devait être la testo! Mes parties intimes étaient plus sensible, ça devait être la testo! J’avais les hormones dans le plafond en voyant les numéros de Tessa Virtue aux jeux olympiques, ça devait être la testo! Avec le recul, je me trouve bien stupide, parce que je ne crois pas que la testostérone peut faire des miracles en 24 heures. Je me rappelle les heures passées devant le miroir à scruter le moindre détail, le moindre changement. Je me disais que j’allais prendre des photos à tous les mois pour voir la différence, mais je crois que j’en prenais toutes les semaines. La transition prenait toute la place. Je ne parlais que de ça. « Je crois que j’ai un poil de barbe ce matin! » « As-tu vu, on dirait que mes coudes sont plus carrés! » « Au téléphone, quelqu’un m’a pris pour mon frère! » Je me comparais avec toutes les timeline que j’avais regardé avant. Est-ce que j’avais autant de poil que ce gars là? Est-ce que ma voix était aussi grave? Chaque journée d’injection était comme un rituel. Je me faisais un point d’honneur d’aller documenter tous les changements à mesure qu’ils arrivaient. J’écrivais sur des forums. Sur mon blogue. J’attendais qu’on me laisse un petit commentaire. J’avais hâte d’être le grand, celui qu’on admire parce qu’il est tellement avancé dans sa transition, parce que ça ne paraît même pas qu’il était une fille avant. Presque toutes mes interactions en dehors de ma famille étaient avec des personnes trans. Je correspondais tous les jours avec des personnes trans, que ce soit par courriel, par des forums, ou plus tard, par Facebook. Je ne sortais jamais de ce monde là. Mais avec qui d’autre est-ce que je pouvais partager mes victoires? J’avais l’impression que tout le monde autour se fichait des changements apportés par les hormones, des étapes de mon changement de nom ou des démarches pour obtenir les chirurgies. Je crois que me famille était fatiguée d’en entendre parler. Mes amis étaient à une autre étape, à l’université. Je n’avais même pas eu le courage de dire à mes collègues d’école que je commençais une transition. La communauté trans me faisait sentir important, apprécié. J’avais l’impression d’être utile pour les autres et d’enfin parler avec des gens qui me comprenaient. Je serai toujours reconnaissant d’avoir eu la communauté dans ces moments là. Mais un moment donné, l’eau a coulé sous les ponts. Les semaines, les mois, les années ont passé. Je suis arrivé à un moment où les chirurgies étaient faites. Les changements des hormones n’étaient plus aussi apparents et excitants. J’ai commencé l’université, je me suis fait des nouveaux amis, j’ai commencé à travailler. J’ai arrêté de documenter ma transition à toutes les semaines, ou même à tous les mois. On me demande depuis quand j’ai commencé la testo, je dois penser pour me souvenir. Au départ, je pouvais dire presque le nombre de jours exacts. On me demande quand j’ai eu ma phallo, je ne sais même plus. La question ne se pose plus pour moi, tout le monde assume que je suis cisgenre. Je suis juste un gars complètement anonyme dans le monde, et ça me plaît comme ça. Je suis retourné aux études. Tout le monde sait pour moi, mais tout le monde s’en fiche, évite le sujet. Ça me va comme ça. Presque personne au travail ne sait. J’ai une barbe maintenant. Une voix d’homme, même si elle sonne des fois comme une voix d’adolescent. J’ai du poil sur le torse, des muscles bien plus développés qu’avant, même si je voudrais qu’ils le soient encore plus. J’ai du poil qui pousse dans le cou, le nez, les oreilles. Je pense au sexe tout le temps. Je n’ai plus de seins, plus d’utérus, d’ovaires… J’ai un pénis. Je vais dans les toilettes des hommes, les vestiaires des hommes, je fais pipi debout… Je n’ai plus aucune des limites qui me dérangeait tellement il y a 8 ans. J’ai commencé à me regarder dans le miroir. À me trouver beau sur des photos. À faire la pose devant le miroir pour regarder mes gros muscles. Je raconte 10 fois par semaine la même histoire bidon pour expliquer la cicactrice que la phalloplastie a laissée sur mon bras. « J’étais jeune, je travaillais dans une épicerie, tu sais, dans les IGA, Provigo, Métro, ils ont un comptoir de poulet frit… Je travaillais là. Il y avait une grosse friteuse. Un idiot l’a trop remplie. Tu sais, quand l’huile est froide, ce n’est pas grave, mais quand elle chauffe, et bien, ça prend de l’expansion… Ça a débordé. L’huile revolait, et moi, gros idiot, au lieu de m’éloigner, j’ai essayé de fermer la valve qui était derrière la friteuse. L’huile bouillante m’a revolé dessus. Ça a fait très mal. Le reste après est flou, tu sais, l’adrénaline, la douleur… » On me demande à quel hôpital j’ai été traité. Des tas de gens me racontent les expériences de membres de leur famille qui ont vécu des histoires atroces de brûlures. Ils me racontent les visites à l’Hôtel Dieu à Montréal. Je n’ai jamais mis les pieds là-bas. Je reste évasif. « Ça fait tellement longtemps… » Quand j’ai commencé la transition, je pensais que le fait d’être trans allait toujours occuper ma vie. Je ne comprenais pas ceux qui cherchaient à s’éloigner de la communauté. Je ne comprenais pas pourquoi c’était si difficile de trouver des témoignages de gens qui avaient terminé leur transition depuis longtemps. Je me disais que je continuerais toujours à m’impliquer, à aider. Mais comme ceux que je jugeais, je suis arrivé à un point où j’étais juste fatigué. Fatigué d’être trans. J’avais juste envie d’être moi. Maintenant, que je révèle que je suis trans, on me dit tout le temps : « Ça ne paraît pas. » J’avais hâte de me faire dire ça. Maintenant, je suis juste fatigué. La valeur d’une transition, ça ne se mesure par au résultat final, à ton niveau sur l’échelle de virilité ou de féminité. L’important, c’est d’être bien avec soi-même. C’est quelque chose que j’ai beaucoup de mal à expliquer aux gens autour. On parle beaucoup des personnes trans dans les médias, à la télé, sur Internet. Je vois passer un documentaire sur Internet et je ne jette même pas un œil. Mes proches et mes amis cisgenres sont souvent plus au courant de l’actualité trans que moi. J’avais commencé à participer à un groupe d’entraide pour les personnes trans, comme je vis maintenant dans une grande ville. J’aimais bien y aller. Mais je trouve ça lourd. Tous les problèmes, le fait de me replonger dans tout ça, de revivre mes insécurités… C’est ça le problème. Parce que oui, la testostérone a changé ma vie, comme je le souhaitais. Je ne regrette rien. Mais les insécurités, elles ne sont pas parties. Je ne peux pas me raser la barbe sans voir une fille dans le miroir. Chaque fois que je vais me faire couper les cheveux, je revois la forme féminine de mon visage. Je vois mes hanches, mon bassin trop large dans le miroir. Je n’ai pas grandi, je suis encore petit. Tout ça, ça va me suivre toute ma vie. J’ai travaillé sur moi, sur ma confiance en moi… Mais il reste toujours quelque chose, une petite voix, qui remarque chaque petit détail qui va me trahir. Mais malgré tout, je fais mon bout de chemin. J’oublie mes injections de temps en temps, parce que oui, s’il y a des insécurités, elles ne sont pas là tous les jours. Ce n’est rien par rapport à ce que je vivais avant. Parce qu’avant les hormones, j’avais peur de ne jamais être pris au sérieux. Je détestais le reflet que je voyais dans le miroir. J’étais incapable de parler à des étrangers. J’avais du mal à me faire des amis. J’envisageais être célibataire toute ma vie. Vivre une sexualité était impensable. Au final, je ne vivais pas. Maintenant, je vis. C’est ça, après 8 ans, le principal changement que m’a apporté ma transition. Je ne sais pas qui va lire ça, mais ça m’a fait du bien de l’écrire. Si quelqu’un me lit ce que je veux qu’on retienne, c’est que ça vaut la peine. Ça vaut la peine de faire tout le chemin, de trébucher un million de fois, de se faire fermer la porte au nez. Parce que quand tu trouves ta voie, que tu as un objectif, et que tu réussis à en venir à bout, tu te rends compte que tu peux accomplir l’impossible. Et ça, ça vaut pour la transition, mais aussi pour n’importe quoi d’autre dans la vie.

lundi 16 avril 2012

Une petite mise à jour...

Je me rend compte que je ne mets plus trop souvent mon blog à jour, et tant qu'à être en grève étudiante, autant profiter de mon temps libre! Il n'y a pas eu beaucoup de nouveau dans ma transition en cette année 2012. J'ai reçu mes nouvelles cartes d'identité avec la mention "M", du coup ma vie est beaucoup plus simple. Je dois aller à l'hôpital dans quelques jours pour des tests, et je n'ai pas peur des questions intrusives ou de devoir m'expliquer. Ça fait un bien énorme.

J'ai "célébré" 2 ans d'hormonothérapie le 18 février dernier. Je crois que je ne me rends plus vraiment compte de tout ce que la testo m'apporte. C'est un peu bizarre, mais c'est comme si j'avais toujours vécu comme ça. Même mes parents parlent de mon passé au masculin. Niveau passing, je n'ai plus aucun problème. Mainteant que j'ai plus confiance en moi et en ma virilité (héhé), je commence à penser me révéler à des personnes de mon entourage. Pour moi, c'est juste une façon de montrer que ce n'est pas si pire d'être trans et que ça existe. On verra si je ferai le pas ou non.

Parlant de se révéler, j'ai été outé contre mon gré à des collègues de l'Université un peu avant Noël dernier. Je suis content de voir l'acceptation dont ces collègues ont fait preuve. Je crois que ma plus grande peur, c'est que quand les gens apprennent que je suis trans, ils commencent à me traiter différemment. Heureusement, j'ai bien vite remarqué que je restais le même garçon qu'ils avaient toujours connu.

Finalement, le mois dernier, j'ai continué les démarches pour ma phalloplastie. Je suis toujours cédulé en mai 2014 et la date exacte reste à confirmer. J'ai contacté l'hôpital où j'ai eu mon hystérectomie pour obtenir mon protocole opératoire afin de le faire parvenir aux bureaux du Dr Brassard. Avec ça, je crois que je peux dire que mon dossier est complet pour la phallo et qu'il ne me reste plus qu'à attendre. Quoiqu'il y a aussi cette histoire d'électrolyse du bras, mais disons que ces temps-ci je n'ai pas trop l'argent pour me lancer... Bref, patience, patience...

jeudi 22 mars 2012

Traverser les obstacles

Ça fait plus de 2 mois que je n'ai pas écrit un mot ici... Il faut croire que même en étant trans, la vie continue! Il ne se passe plus rien côté transition et mes études m'ont occupé beaucoup ces derniers temps.

Depuis un moment je voulais faire un message qui expose les côtés moins roses de la transition. J'ai l'impression que depuis que je fais ce blog, je n'expose que le côté rose, que je laisse paraître que la transition règle tous les problèmes de l'univers. Mais il n'en est rien. Est-ce que je regrette ce que j'ai fait? Pas le moins du monde. Mais avant de faire une transition, il faut savoir dans quoi on s'embarque.

D'abord, une transition coûte cher. Même si les opérations sont remboursées au Québec, il faut s'attendre à payer des frais de psychologues, à se déplacer si on vit à l'extérieur d'un grand centre, à payer pour les démarches administratives. Si certains chanceux réussissent à trouver des psys ouverts qui pratiquent dans le public, ce n'est pas le cas de tous.

Il faut aussi s'armer de patience. Les démarches sont longues, les délais sont frustrants. On voudrait toujours que ça aille vite, mais il y a toujours des délais administratifs pour nous ralentir. Il est rare d'obtenir les hormones miraculeusement 2 semaines après avoir fait son coming out. Et c'est sans compter les déceptions qui surviennent souvent. Les refus, les rejets...

Il est sûr qu'il ne faut pas laisser tout ça nous arrêter. Mais même après avoir commencé, et même terminé la transition, tous les problèmes ne sont pas réglés. Si la transition contribue souvent à améliorer la confiance en soi, elle ne règle pas les problèmes de timidité. Transitionner ne fait pas non plus accepter son corps de façon magique.

La transition comporte des sacrifices. Personne n'a dit que c'était facile. L'important, c'est de se sentir à l'aise dans ce qu'on fait, mais surtout d'être prêt à travailler sur soi. L'acceptation de son corps demande du temps et des efforts malgré les effets des hormones et des opérations.

La morale de l'histoire, le bonheur ne vient pas tout seul, il faut travailler pour! ;)

lundi 9 janvier 2012

Bonne année 2012!

Et voilà, la nouvelle année est commencée! Je voulais donc débuter par souhaiter à tous une excellenete année 2012. J'espère que vos voeux deviendront réalité et que vous aurez une année à la hauteur de vos attentes.

L'an dernier, à pareille date, je souhaitais terminer 2011 avec un torse plat et en étant reconnu comme un homme par l'État Civil, et j'y suis arrivé :) Il ne reste donc plus grand chose à souhaiter pour 2012, à part d'être heureux!

Sinon je continue à faire les démarches pour changer mes papiers et j'ai bien hâte que ce désordre administratif soit terminé!

lundi 19 décembre 2011

De retour et Joyeux Noël!

Je n'ai pas été très assidu ces derniers mois dans la mise à jour de ce blog et je m'en excuse. Entre mon stage en novembre et les examens de fin de session qui ont suivi, j'ai négligé toutes sortes de chsoes dont le blog fait partie. Il faut dire aussi qu'il ne se passe plus rien dans ma transition. J'ai commencé aujourd'hui les démarches pour faire modifier mes papiers suite au changement d'État Civil complet, donc j'imagine que janvier sera un mois plus excitant côté transition.

J'ai rajouté quelques liens sur le côté du blog, un Webcomic trans (en anglais) et une chaîne Youtube où des trans FTM québécois parlent de différents sujets en lien avec la transition. Je vous conseille d'aller jeter un oeil.

Je n'ai pas grand chose à apporter dans ce message, je tenais seulement à souhaiter un Joyeux Noël à tous! Je serai de retour en janvier!

lundi 31 octobre 2011

Victoire!

D'abord je m'excuse de ne pas avoir mis mon blog à jour récemment! J'ai été très occuppé par ma vie Universitaire et pour être franc, il ne s'est pas passé grand chose d'excitant dans ma transition dernièrement.

Jusqu'à la semaine dernière! J'ai reçu ma réponde de l'État Civil concernant mon changement de mention de sexe, et voilà, c'est fait, je suis un homme aux yeux de la loi! Il ne reste plus qu'à attendre 30 jours pour recevoir le certificat.

Je suis super content, c'est une grosse étape. J'ai bien hâte de changer mes cartes, je crois qu'à ce moment là, le pire de ma transition sera fait!

Plus qu'à attendre la phallo...

lundi 19 septembre 2011

Première fois

Aujourd'hui je suis allé pour la première fois dans les vestiaires des hommes! Depuis le début de ma transition, j'évitais les vestiaires. Comme je vais au gym de l'Université et que je vis juste à côté, soit je me changeis chez moi, ou bien je mettais un manteua par dessus mes vêtements de sports et je laissais le manteau à mon casier.

Mais aujourd'hui, j'ai osé! J'avais peur de me faire regarder de travers à cause de l'absence de bosse dans mon pantalon ou à cause de mes cicatrices, mais il n'y a vraiment rien là, tout le monde fait sa petite affaire et on en parle plus.

Je suis bien soulagé!